MONTAGES POLITIQUES INCERTAINS DANS LA PÉNINSULE IBÉRIQUE, par François Leclerc

Billet invité.

Dans l’attente de la formation d’un gouvernement pourvu d’une majorité stable, selon le voeux du Président de la République Cavaco Silva, le Parti socialiste portugais se retrouve bien que battu placé au centre du jeu. Il poursuit ses rencontres avec les formations à sa droite et à sa gauche, et le PSOE espagnol s’apprête à en faire autant, une fois passé le cap des élections du 20 décembre prochain. Ne pouvant plus prétendre à une victoire électorale en solo, les partis socialistes de l’Europe du sud ne connaissent pas non plus le sort d’un Pasok grec éliminé du jeu.

Au Portugal, le secrétaire général du PS Antonio Costa consulte et laisse formellement la porte ouverte à la constitution d’une solution gouvernementale de gauche s’appuyant sur la majorité parlementaire issue des élections. Sans que l’on puisse clairement percevoir s’il cherche ainsi à faire monter les enchères dans ses négociations avec la coalition de droite PSD-CDS, qui ont mal commencé, ou s’il entend effectivement explorer une voie conduisant le parti communiste et le Bloc de gauche à le soutenir sous conditions. Dans le premier cas, il pourrait se prévaloir de freiner les ardeurs de la droite, mais il devrait faire face à la frustration des électeurs de gauche et il favoriserait l’essor du Bloc de gauche. Dans le second, il se retrouverait en première ligne dans un contexte européen peu favorable, la situation de l’économie portugaise restant très fragile limitant ses marges de manœuvre.

Prenant l’opinion par surprise, la direction du Parti communiste n’exclut pas de soutenir un gouvernement socialiste minoritaire et se déclare prêt à poursuivre les discussions à ce sujet, tandis que le Bloc de gauche définit des lignes à ne pas franchir dans le but d’en faire autant. Ce qui était impensable pourrait se réaliser. Mais cela suppose que le Parti socialiste clarifie des intentions qu’il n’a pas clairement exposées durant sa campagne.

La montée dans les sondages de Cuidadanos pose autrement l’équation électorale et gouvernementale espagnole. Le Partido popular et le PSOE – au coude à coude avec 23% des voix chacun, selon un dernier sondage – ne pouvant prétendre gouverner seuls, c’est cette nouvelle formation libérale qui fait campagne contre la corruption. Avec 21% des voix, elle coiffe dorénavant Podemos au poteau, qui se tasse à 14%. Voter Cuidadanos présente en effet un double attrait : exprimer son rejet de la corruption et du vieux monde politique sans flirter avec la radicalité de Podemos.

Comme son homologue portugais, le PSOE pourra demain négocier avec ces deux nouveaux venus de la scène politique espagnole, l’un marqué à gauche et l’autre à droite. Mais c’est Cuidadanos qui est au centre du jeu, déjà indispensable au PSOE en Andalousie et au Partido popular dans la région de Madrid à la suite des récentes élections régionales partielles.

Un épisode bruxellois en dit long sur ce qui attend les futurs gouvernements. Le projet de budget 2016 présenté pour accord par Mariano Rajoy, le chef du gouvernement espagnol, a été rétorqué et Pierre Moscovici lui a d’abord demandé d’en présenter une nouvelle version corrigée avant les élections de 20 décembre, avant que Jean-Claude Juncker ne repousse cette échéance à leur lendemain… Les bons élèves de la classe que sont l’Espagne et le Portugal ne sont pas au bout de leurs peines. D’autant que les libertés que prend le gouvernement italien et la mauvaise volonté dont le gouvernement français témoigne appellent une réaction allemande.

A la fragilité de la situation économique correspond l’instabilité des solutions politiques.